La Révolution Française à l’origine de l’idée moderne de Propriété Privée
L'ouvrage constitue une exploration approfondie de l'influence exercée par la Révolution française sur la conceptualisation juridique et philosophique de la propriété privée. L'auteur aborde ce thème en l'inscrivant dans une analyse large, articulée autour de l'évolution idéologique des Lumières, de la pensée de Rousseau, et des formes concrètes prises par le jacobinisme au cœur du processus révolutionnaire.
La thèse centrale soutient que la Révolution marque une inflexion décisive dans la relation entre individu et propriété, en substituant au droit individuel un modèle d'inspiration collective, fondé sur la volonté générale. Cette redéfinition s'enracine dans une transformation plus vaste de la subjectivité moderne, dont les figures-clés sont Rousseau et, secondairement, Locke. Loin de réduire Rousseau à une contradiction entre totalitarisme et libéralisme, Rezzonico met en lumière une tension constitutive dans sa pensée : la propriété y apparaît à la fois comme un droit fondamental et comme un instrument subordonné à la cohésion sociale.
L'étude montre ainsi que la propriété n'est jamais totalement remise en cause dans la tradition révolutionnaire — même chez les babouvistes — mais qu'elle est réinterprétée dans une perspective fonctionnelle : elle est tolérée dans la mesure où elle sert l'unité civique. Dans cette optique, les contradictions relevées par Talmon ou Soboul ne sont pas vues comme des incohérences mais comme les effets d'un système fondé sur l'ambivalence entre l'autonomie individuelle et l'intégration communautaire.
La Révolution n'inaugure pas seulement un régime politique nouveau, elle transforme la manière même de concevoir les fondements du lien social. Le droit de propriété se voit ainsi dépouillé de sa nature absolue pour devenir un droit conditionné par sa valeur sociale et sa compatibilité avec la volonté générale.
À travers une relecture fine des textes de Rousseau, notamment Du contrat social, L'Émile et Le discours sur l'économie politique, l'auteur démontre que la fonction pédagogique et morale de la propriété pèse autant que sa dimension patrimoniale. Dans cette optique, les décrets de Ventôse, les discours de Robespierre ou les projets babouvistes apparaissent comme les déclinaisons pratiques — bien que souvent contradictoires — d'une même matrice conceptuelle.
Enfin, l'ouvrage s'ouvre à une dimension comparative contemporaine, en examinant l'influence de cette tradition sur les codifications modernes, en particulier dans le droit italien. La jurisprudence sur la fonction sociale du droit de propriété, les actes émulatifs ou les successions témoigne d'un héritage encore vivant, fondé sur une idée de régulation implicite entre liberté individuelle et utilité collective.
En somme, ce travail d'envergure restitue toute la complexité de la question de la propriété à l'aune de la Révolution, en montrant qu'il ne s'agit pas d'une opposition binaire entre droit naturel et collectivisme, mais d'un champ d'articulation entre subjectivité, pouvoir et projet social.Abstract
Chapitre 1-------------------------------------------------------------------- 11
La crise de la société organique. La naissance de l'idéologie jacobine 11
1.1 Lignes générales-------------------------------------------------------- 11
1.2 Les sociétés de pensée. Sur le jacobinisme avant la Révolution.------ 15
1.3 Les hiérarchies sociales : caractéristiques de la noblesse.
La reconnaissance sociale à travers une institution de droit public -------19
1.4 Sur le conditionnement occulte lors de l'élection des États généraux 23
1.5 Éducation et communicabilité : une observation sur l'Émile--------- 27
1.6 Du milieu dans lequel s'élabore un nouveau sentiment autour de l'égalité 33
1.7 Conclusions du chapitre------------------------------------------------ 37
Chapitre 2-------------------------------------------------------------------- 39
Finalité individuelle et projet social dans l'image rousseauiste--- 39
2.1 Une difficulté d'interprétation------------------------------------------ 39
2.2 Sur l'acception totalitaire ou libérale du legs rousseauiste----------- 47
2.3 Sur la propriété rousseauiste comme instrument d'éducation collective 51
2.4 Sur le lien social comme fondement justificatif de la propriété------- 63
2.5 Observations complémentaires----------------------------------------- 67
2.6 Une vérification jurisprudentielle-------------------------------------- 75
2.7 Conclusions du chapitre------------------------------------------------ 81
Chapitre 3-------------------------------------------------------------------- 85
Individualisme et politique sociale entre les Déclarations de 1789 et de 1793.
Le rôle de la subjectivité lockienne ----------------------------------------85
3.1 Préambule--------------------------------------------------------------- 85
3.2 Problématiques liées à la définition de la subjectivité chez Locke---- 89
3.3 Sur la reconnaissabilité de deux parcours dans la Déclaration
des Droits de l'Homme de 1789 -------------------------------------------103
3.4 Sur la recherche d'un nouveau fondement à la propriété individuelle 109
3.5 Sur la controverse Talleyrand-Maury à propos de la nationalisation
des biens du clergé ======================================================115
3.6 Sacralité et lutte antiféodale------------------------------------------- 123
3.7 Conclusions du chapitre----------------------------------------------- 129
Chapitre 4------------------------------------------------------------------ 133
La voie montagnarde entre pression populaire et spirale idéologique 133
4.1 Les choix économiques sous le spectre de la double représentation :
Convention et Commune de Paris -----------------------------------------133
4.2 Étapes de la dérive jacobine dans la politique économique :
choix conscient ou inévitabilité logique ? ---------------------------------141
4.3 Sur la propriété dans l'oratoire de Robespierre------------------------ 149
4.4 Les décrets de Ventôse : sur la valeur de la fidélité révolutionnaire
comme limite à la protection du droit de propriété ------------------------156
4.5 Sur la portée internationale de la question idéologique. Un cas américain :
les différentes positions du juge Harlan et du juge Holmes ---------------163
4.6 Sur l'attitude propulsive dans les replis de la jurisprudence italienne 177
4.7 Conclusions du chapitre----------------------------------------------- 189
Chapitre 5.----------------------------------------------------------------- 193
La voie babouviste : le moment publiciste dans la théorie des Égaux 193
5.1 – Raisons d'une attention---------------------------------------------- 193
5.2 Stratégie sociale et langage juridique : le thème de l'influence rousseauiste 199
5.3 Finalité collective et filiation jacobine. Observations
sur les résultats historiographiques ----------------------------------------211
5.4 Conclusions du chapitre----------------------------------------------- 223
Chapitre 6.----------------------------------------------------------------- 229
La voie de la codification------------------------------------------------ 229
6.1 La propriété comme droit subjectif moderne : sur le problème
de la définition dans le système de droit privé ----------------------------229
6.2 La pression du public : sur le dépassement de l'immanence
au seul moment privatiste. À propos du concept d'élasticité -------------239
6.3 Sur les remarques concernant la conception unitaire de la propriété 253
Chapitre 7------------------------------------------------------------------ 259
Observations conclusives------------------------------------------------ 259
BIBLIOGRAPHIE------------------------------------------------------- 271
INDEX DES AUTEURS------------------------------------------------- 277
NOTES DE FIN----------------------------------------------------------- 279